Trois autres démarrages

Il parait que c’est Noël demain; ça m’en touche une boule sans bouger l’autre. Le côté fête obligatoire, pour commencer. « Demain, tous ensemble on est heureux! C’est d’accord? » Que ce soit le 14 juillet ou Noël je n’aime pas faire partie d’un mouvement de foule, ou d’une liesse plus ou moins imposés. Le second point c’est la « réunion de famille »; on se voit une fois par an et loin de faire le point, loin de parler de ce qui compte on n’aborde que les sujets anodins, et si par malheur surgit un sujet qui fâche, ou qui tout simplement fait froncer les sourcils, on s’exclame immédiatement sur le comportement des enfants. « Vous savez ce qu’elle nous a fait, pas plus tard que la semaine dernière??? Elle a boudé pendant deux heures, oui, deux heures! parce que Mademoiselle refusait de mettre les bottes vertes que je venais de lui acheter!!! » Gonflant. Surtout quand ça dure la journée entière. Aurais-je la même reculade si j’avais moi-même des enfants, et des petits enfants? Peut-être que, sur ce point du moins, je serais plus bonasse; possible que oui possible que non. Comme tout un chacun j’aime voir la joie grandir puis éclater dans le regard d’un enfant; encore plus lorsque la joie est spontanée, innocente, incontrôlable. C’est la provocation de cette joie qui vient tout fausser. Encore une fois c’est l’aspect conventionnel, routinier, exigé qui m’assomme. L’enfant lui-même d’ailleurs est prisonnier de ces convenances, et la cible de tous les gros yeux si par malheur il ne se réjouit pas. Et enfin, pour tout dire, je n’ai pas de bons souvenirs des Noëls de mon enfance; rien de bien méchant mais rien non plus de suffisamment exaltant pour me donner envie de recommencer l’expérience. Reste la famille immédiate, avec laquelle il n’y a plus grand chose qui reste, après toutes ces années; ni affinités, ni vécu commun, et surtout ni confiance. La distance géographique qui nous sépare a du bon cependant. Je n’ai pas besoin de refuser l’invitation qu’ils n’ont pas besoin d’envoyer. Noël, ce soir, ce sera un Gewurztraminer acceptable et bien frais, ouvert juste après que mes pinceaux auront été nettoyés, avec un petit mérou grillé. Les enfants, ceux du voisinage, attendront. La semaine prochaine il y aura piscine, aimablement prêtée par Stéphane, notre voisin, et je leur ferai une mousse au chocolat.