Mayotte pour les nuls et mes amis occidentaux (partie 2)

Naissance des chatouilleuses

     Mayotte a pris une deuxième décision intelligente entre 1974 et 1976, lorsqu’elle a plusieurs fois refusé d’abandonner la nationalité française et partager ainsi le sort des trois autres Comores, nouvelle nation indépendante, parce que si indépendance voulait dire domination par les voisins, alors là autant crever tout de suite. Pas question DU TOUT d’être dominés par les voisins. Être dominé par le Blanc n’était pas un problème ; il était autoritaire, fantasque, et même encore assez souvent incompréhensible, surtout il aurait pu faire plus, beaucoup plus, et plus vite, beaucoup plus vite en matière de développement, d’infrastructures, d’éducation, de santé, mais même s’il était pingre  comme un rat il dépensait encore infiniment plus que n’auraient jamais dépensé les hautains sultans de la hautaine île de la Grande Comore, siège du pouvoir féodal depuis toujours, pouvoir exercé sans partage et sans générosité excessive, selon le solide précepte selon lequel tout ce qui se trouve sur les quatre îles est comorien et que tout ce qui est comorien appartient aux notables de la Grande Comore. Lesquels notables sont tous descendants de grandes familles, de très grandes et distinguées familles, de familles nobles, osons le mot, originaires du sud de la péninsule arabique, pour les plus titrés, ou de la côte Est-Africaine pour les hobereaux plus récents.

     Possession française depuis 1841 Mayotte était devenue en 1886 le centre de décision de l’archipel des Comores tout entier. Le gouverneur français administrait donc les quatre îles depuis Mayotte. Fort bien. Ça ne donnait toujours pas envie d’être sous tutelle sultanesque mais au moins le Blanc et ses canons étaient là, protégeant des razzias, empêchant qu’on ne vînt se servir, comme par le passé, en bétail, femmes et main d’œuvre. Un demi-siècle se passe et on arrive aux lendemains de la seconde guerre mondiale et au processus de décolonisation qui suivit. Deux ans avant que Madagascar n’accède à l’indépendance, en 1958 donc, Paris décide de déplacer la capitale de l’archipel ; celle-ci ne sera plus à Mayotte, mais à Moroni, capitale de la Grande Comore. Il était difficile d’être plus méprisant à l’égard de Mayotte et ce fut durement ressenti.

     L’administration française va donc quitter Mayotte, emmenant avec elle les seuls autochtones disposant d’un peu de pouvoir et de revenus réguliers et suffisants, tous mâles bien évidemment. Les femmes restaient derrière, avec les enfants.

  • Mais on va faire comment ?? Pour vivre et élever les enfants ?!
  • Ne t’inquiète pas ma petite femme chérie, je t’enverrai ma paye tous les mois ; et je te promets que je ne prendrai pas de maîtresse ; croissant de bois croissant de fer.

     Les femmes de Mayotte décidèrent alors de prendre leur destin en mains. Accablées, livrées à elles-mêmes, terriblement appauvries, désespérées, elles commencèrent à se faire entendre avec force et persistance.

     C’est en prenant conscience de ces faits que je me suis persuadé que, si j’avais été femme à Mayotte et à cette époque, j’aurais, tout comme elles, été révolté par le mépris qui leur était témoigné et, tout comme elles, fermement résolu à tout faire pour être en sécurité, ainsi que les enfants, et qu’il soit donné à ces derniers au moins une petite chance de connaître une vie un peu moins pouilleuse que celle qui avait depuis toujours été le lot de Mayotte. Ras le bol ! Mais alors là vraiment ras le bol ! Il FALLAIT que quelque chose changeât !

     Et on va faire quoi pour que cela cesse ? On va s’y prendre comment pour faire plier les mecs ??

    Il fallut inventer.

    C’est de cette urgence que naquirent les Chatouilleuses.

A suivre…

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2 commentaires

  1. Mano

    Je suis bien incapable de juger de l’historicité de ton récit, je suis inculte en la matière et te fais entièrement confiance, mais du caractère littéraire et passionnant , oui. Bravo et merci Marcel!
    Moi aussi, j’attends la suite même si je suis de plus en plus régulièrement désespérée des erreurs, malentendus, occasions ratées, promesses non tenues, etc… de nos gouvernements et de l’injustice que subissent les plus fragiles.
    Bonne journée Marcel!

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