Coup de poing coup de gueule

Malavuni (campagne) 1m x 1m

Coup de poing coup de gueule

     Dieu que c’est dur d’écrire en ce moment. Les mots m’accrochent au réel ; les images m’en extirpent. Et le réel est moche, c’est ainsi que je le vois. Le monde, Mayotte, moi-même, ne sont promis à aucun avenir joyeux. Le présent est sans intérêt. Je fais partie de ces gens pour lesquels le présent est souvent évincé par la vision de l’avenir. Il m’arrive de trouver dans le présent des fulgurances joyeuses, comme la petite video que j’ai mise dernièrement sur facebook, mais l’effet ne dure pas. Un sourire d’enfant m’émeut mais je redeviens triste sitôt que je ne vois plus le sourire. Ce qui m’angoisse le plus ? L’avenir de ceux que j’aime. Ce qui me met le plus en colère ? La stupidité des sociétés humaines et l’impuissance absolue des individus les plus sensibles, les plus lucides, les plus généreux à modifier d’un seul demi iota les dégénérescences mortelles une fois celles-ci enclenchées. On VOIT l’abime, on SAIT qu’on va y plonger, et le bon peuple laisse les criminels cupides et cyniques nous y conduire. L’imbécilité humaine reprend toujours le contrôle, guerres après guerres, génocides après génocides, bateaux de migrants après bateaux de migrants. « Plus jamais ça ! » entend-t-on depuis le premier massacre. Il faudra qu’il n’y ait plus de société humaine sur la planète pour que, effectivement, le « plus jamais ça » se concrétise.

     Juste un exemple ; ce qui est prévu et qui se prépare à Mayotte pour le mois d’avril. Prévu par tout le monde puisque tout le monde est informé, préparé par le ministère de l’intérieur à Paris et exécuté par les forces de l’ordre sur place. Cinq à six cents policiers supplémentaires pour épauler des destructions massives de bidonvilles, pardon, d’habitats insalubres, et illégaux, dans lesquels vivent les familles nombreuses des plus pauvres qu’on puisse trouver à Mayotte, une bonne moitié d’entre eux, sans doute plus, étant des sans-papiers, des clandestins qui sont venus des Comores voisines, parce que dans ces îles la misère est encore plus épaisse pour les loqueteux des nations et qu’on y discerne encore moins d’espoir. On espère pouvoir détruire 1000 cases en tôles. Ce qui fera au bas mot quatre ou cinq mille personnes à la rue. Juste après le ramadan ; cadeau d’un Dieu inutile, absent et probablement pervers. Et après ? Ceux qui ont des papiers en règle (carte d’identité, carte de séjour) seront relogés, où? on ne sait pas encore, et les autres… ?? « On veut pas le savoir, qu’ils dégagent, qu’ils rentrent chez eux, Mayotte ne peut héberger toute la misère du monde etc. ». « En même temps », (formule adorée de la Macronie), les six cents cowboys supplémentaires vont faire des razzias sur tout ce qui est noir (ça va faire du monde) et contrôler identités après identités. Sur une population de quatre cent mille habitants (à la louche) deux cent mille seraient d’origine étrangère (comorienne) et la moitié vraisemblablement n’a pas de papiers. (à la louche aussi) Voilà donc les faits brutaux, les données du réel.

     Cette opération coup de poing est mise en place pour répondre au ras le bol d’une population excédée par les actes de délinquance, souvent violente, commis quotidiennement un peu partout sur l’île. On s’apprête donc à précariser davantage encore environ trois mille personnes en espérant que ça calmera les voyous ou que ça en diminuera le nombre. « Mettez les gens dehors, ça les calmera ! » C’est pas une énorme stupidité ça ? Inéluctable, telle une avalanche ou un pétrolier courant sur son erre. Darmanin a décidé, Darmanin a ordonné et on va tout droit vers une aggravation de la situation à Mayotte. C’est facile à comprendre, même pour un énarque et croyez-vous que quoi que ce soit va être changé ? Un seul petit bout de début de solution va-t-il émerger de l’immense foutoir qui se dessine ? Non ; et tout le monde le sait. Pourquoi persister dans l’erreur alors. Parce que dès qu’il est en société l’Homme devient con ; je le crois de plus en plus. Il y a une détermination là-dedans, un schéma constitutif inscrit dans le logiciel d’origine. Individuellement la plupart des gens sont à peu près normaux, aucun n’est figé dans le mal, pas plus qu’il ne l’est dans le bien, et on trouve parfois des gens charmants, ou qui peuvent l’être de temps en temps. Mais collectivement l’Humain est une grosse merde, et aucune gloire impériale n’équilibrera jamais les sommes de vies détruites et les sourires d’enfants effacés. Fuck Mankind.

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6 commentaires

  1. Mano

    Bonsoir Marcel,
    Je suis bouleversée par ton texte, sachant que très certainement tu relates la réalité, ta réalité.
    Oui, c’est désespérant de voir qu’on connaît la situation actuelle, dans ton île, et partout ailleurs sur cette pauvre planète que nous nous encore et toujours à déglinguer,
    qu’on connaît avec précision les risques pris à ne rien changer, …
    Et qu’on ne change rien!
    Je ne peux que te dire ça, ce soir.
    Où vas-tu trouver l’énergie pour continuer à vivre, à aimer, à peindre quand le chaos programmé sera effectif?
    Je garde espoir!
    Mes pensées t’accompagnent…

  2. Barriere

    Bouleversant . Cela l’est par l’authenticité , le réalisme. Ça l’est aussi parceque l’indifférence de tous ceux qui sont Du bon côté permet tout cela. Ça l’est aussi parceque dans la vraie vie combien d’etres que Nous croisons au Quotidien pensent que Darmanin a raison et que c’est la solution. A l’île de La Réunion on ne veut pas voir le cœur de l’île sœur saigner et pourtant qui Nous garantit qu’un jour on ne nous enverra pas non plus un Darmanin.

  3. Véronique Méloche

    C’est exactement ça, je suis moi aussi effarée et effrayée par ce qui va se passer. Une politique de rafle d’une violence inouïe, pour servir l’ambition de Darmanin qui avec cette démonstration de force espère, paraît-il, devenir premier ministre. Et puis une fois que ces habitats et ces vies seront détruites, ils partiront, et la violence, via la rage, sera encore plus grande, car c’est la violence qui génère la violence, la violence soit-disant légitime de l’Etat qui entraîne celle d’une jeunesse désespérée et à l’abandon. Et tout le monde va subir.
    Tout le monde le sait, mais qu’allons-nous faire ?

    1. Alex l'ébouriffé

      Tellement mais tellement d’accord avec toi Valoche. L’économie du risible…. Et ils ne se voient même pas alors qu’ils se noient et nus emportent tous avec. Pauvres maorais, pauvres comoriens, pauvres iliens. Et avec pauvres gendarmes…..

  4. Boisseau

    Bonjour,
    Se fut un plaisir de lire de sage paroles qui seraient plus utiles que 600… Je préfère ne pas exprimer mes pensées.
    Nous étions arrivés à Mayotte en 2007 avec ma famille de notre propre chef, avec nos deniers personnels, nous sommes repartis en 2015 de la même façon. Repartis face à l’insécurité et pour garder dans nos mémoires la belle île, la gentillesse de ces habitants et tout les beaux souvenirs. Nous continuons à suivre l’actualité encore Aujourd’hui, qui est loin d’être belle malheureusement.
    Nous souhaitons pleins de courage et de force à ces familles qui seront touchées.

    Peuple de Mayotte rester unis.

    Nous avons perdu un ami tomber avec les voyous qui est un autre problème que ces familles.

  5. Alex l'ébouriffé

    « collectivement l’Humain est une grosse merde »

    Quelle punch line. Marcel vous me faites marrer, j’adore!

    En revanche à vous lire, Je suis très triste mais comment pouvait-il en être autrement. La misère qui commande ces familles à aller voir ailleurs. Je ferai pareil en telle situation. Les mairies qui ont laissé envahir et pourrir la situation depuis des décennies. La population excédée qui crée des milices, des blocages mais que peut-elle faire de plus pour être entendue pour agir…..

    Bref j’ai vu le bidonville de la colline de Kaweni en 2018 détruit, j’ai vu le soir même les familles dehors nues se reloger 100/200m plus loin et avoir tout perdu, prenant des tôles déchiquetées pour essayer de reconstruire pire que ce qu’il avait avant c’est à dire rien…

    Quelle méconnaissance du terrain, quelle méconnaissance de la réalité et quelle misère à venir. Je suis triste pour ce qu’il y a à venir. Je suis triste pour nos élites. Je suis triste pour notre humanité….

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